Le Christ dans l’Art Byzantin
Une visite au Louvre autour du traitement du Christ dans l’art byzantin.
Les représentations du Christ ont grandement évolué au cours des siècles—j’aurai l’occasion d’y revenir plus tard, ayant suivi un cours à l’Ecole du Louvre sur le sujet pendant plusieurs années.
Lors d’une visite au Louvre, cette plaque de reliure de taille modeste a attiré mon attention.

Qu’est-ce qu’une plaque de reliure?
Une plaque de reliure dans l'art byzantin est généralement une couverture ornée destinée à protéger et à embellir un livre religieux précieux, souvent un évangéliaire ou un psautier. Ces plaques de reliure étaient généralement en métal, souvent en or ou en argent, et étaient incrustées de pierres précieuses et semi-précieuses, d'émail, d'ivoire, de nacre, et parfois d'images religieuses en relief ou gravées.
L'art byzantin est connu pour sa richesse et son attention aux détails, et ces plaques de reliure ne faisaient pas exception. Les plaques de reliure byzantines ont souvent survécu même lorsque les livres qu'elles protégeaient ont disparu, et elles constituent donc une source précieuse d'informations sur l'art byzantin.
Ces plaques n'étaient pas seulement esthétiquement agréables, mais avaient aussi une signification spirituelle et théologique. Elles servaient à souligner l'importance et la sainteté des écrits qu'elles protégeaient, et à aider le lecteur à entrer dans un état d'esprit de dévotion et de révérence.
Ce qui m’a frappé dans la disposition de la vitrine est que, à la même époque où ils font des Christ en style « byzantin » (un nom donné plus tard, les contemporains référant à eux-mêmes comme Romains), les artistes continuent de représenter des scènes mythologiques.


J’avais déjà eu cette révélation lors d’un cours d’auditeur à l’Ecole du Louvre il y a presque dix ans. Le conférencier expliquait que les ateliers du IVe siècle qui commencèrent à répondre aux commandes des dignitaires nouvellement convertis au christianisme, devenu « religion de l’Empire », étaient les mêmes qui répondaient aux commandes classiques sur les sujets mythologiques. Les codes artistiques sont donc identiques.
On peut noter certaines différences stylistiques, notamment la musculature des figures mythologiques, différentes de la représentation plus longiligne du Christ et de ses apôtres. Dans un retour historique frappant, Michel-Ange s’inspirera de la statuaire grecque et romaine pour ses personnages religieux dotés d’une musculature surhumaine.
La manière de raconter l’histoire en frise reste un code utilisé pour les deux registres, même si de nouveaux modes semblent émerger, comme en atteste ce triptyque.


Comment évolue la représentation du Christ au sein de l’empire romain puis byzantin ? Les codes de l’Antiquité, avec des personnages musclés et une représentation en frise, restent-ils en place ou changent-ils brutalement ?
La représentation du Christ dans l'art romain et byzantin a connu une évolution marquée.
Dans les premiers temps du christianisme, lors de l'époque romaine, le Christ était souvent représenté de manière allégorique, par des symboles tels que le poisson (ichthus en grec, qui est un acrostiche de "Jésus Christ, Fils de Dieu, Sauveur") ou l'agneau. Lorsqu'il était représenté sous forme humaine, il était souvent dépeint comme un jeune berger sans barbe, suivant les conventions artistiques de la période romaine.
À partir du IIIe siècle, le Christ commence à être représenté sous une forme plus adulte et plus autoritaire. Il est souvent dépeint avec une barbe et porte parfois une robe et un manteau de style romain. La représentation du Christ en tant que roi ou empereur commence à apparaître, bien que ces images ne deviennent courantes que plus tard, à l'époque byzantine.
Au cours de l'ère byzantine, la représentation du Christ devient plus formelle et majestueuse. Le Christ Pantocrator (tout-puissant), représenté avec une barbe et souvent assis sur un trône en train de bénir ou de tenir un livre des Évangiles, devient l'image dominante. Cela reflète l'évolution de la théologie et de la christologie de l'époque, qui soulignait la divinité du Christ ainsi que son humanité. Les conventions artistiques de l'Antiquité, comme la représentation de figures musclées, cèdent la place à une stylisation plus marquée qui met l'accent sur la spiritualité plutôt que sur le réalisme physique.
La représentation du Christ a évolué au fil du temps pour refléter les croyances théologiques changeantes et les styles artistiques de l'époque. Il n'y a pas eu de changement brutal, mais plutôt une évolution graduelle, avec des périodes de transition où les anciens et les nouveaux styles coexistaient.
On trouve dans la même salle au Louvre une représentation du Christ Pantocrator évoqué plus haut, reprenant le répertoire impérial romain.


Je me suis amusé à essayer de lire les inscriptions en grec ancien sur ce triptyque, notamment la section du haut à gauche. Sans trop de succès : j’ai reconnu théo, alpha, et oméga, et guère plus.
Que signifient les inscriptions en grec sur les tryptiques byzantins ?
Les inscriptions en grec sur les triptyques byzantins et les icônes en général servent à identifier les personnages représentés et à transmettre des messages religieux.
Les lettres grecques Alpha (Α) et Oméga (Ω) sont particulièrement significatives dans l'art chrétien et ont une connotation symbolique profonde.
Dans la tradition chrétienne, l'Alpha et l'Oméga représentent le début et la fin, selon la phrase attribuée à Jésus-Christ dans l'Apocalypse de Jean (21:6) : « Je suis l'Alpha et l'Oméga, le commencement et la fin. » Ces lettres symbolisent ainsi l'éternité de Dieu et du Christ, ainsi que leur omniprésence dans l'univers.
Sur les triptyques byzantins et les icônes, l'Alpha et l'Oméga sont souvent placés de part et d'autre du Christ, mettant en évidence son statut divin et son rôle central dans la foi chrétienne.
Les autres inscriptions grecques, telles que Théo (Θεο, qui signifie "Dieu"), servent également à identifier les personnages sacrés et à souligner leur nature divine.
En outre, les triptyques byzantins peuvent comporter des inscriptions supplémentaires, telles que des titres, des noms de saints, des versets de la Bible ou des hymnes liturgiques, qui aident à contextualiser la scène représentée et à guider le fidèle dans sa prière et sa méditation.
Une autre plaque a attiré mon attention, d’abord parce qu’elle est du même type (une déesis), ensuite parce qu’elle comporte de nouvelles inscriptions en grec.

Qu’est-ce qu’une déesis ou déisis ?
Une déisis (du grec δέησις, qui signifie "prière" ou "supplication") est une représentation iconographique traditionnelle dans l'art chrétien, en particulier dans l'art byzantin et orthodoxe.
La déisis illustre habituellement le Christ Pantocrator (le Christ Tout-Puissant) au centre, flanqué de la Vierge Marie et de saint Jean-Baptiste. Tous deux sont généralement représentés en position de prière, les mains levées en supplication, intercédant pour l'humanité auprès du Christ.
Cette composition symbolise l'intercession de la Vierge Marie et de saint Jean-Baptiste, les deux figures les plus importantes de la foi chrétienne après le Christ, en faveur des fidèles lors du Jugement dernier.
La déisis peut également inclure d'autres saints, des anges ou des personnages bibliques, selon le contexte et le programme iconographique.
Les déisis sont couramment représentées dans les icônes, les mosaïques, les fresques et d'autres formes d'art religieux. On les trouve souvent dans les églises, les monastères et les collections d'icônes privées, où elles servent de support à la prière et à la dévotion.
On reviendra sur le principe de l’intercession dans un autre article consacré à l’Eglise Saint-Eustache à Paris. Voici les détails de cette plaque et la signification des inscriptions.


Vierge Marie (Μαρία) ou ΜΡ ΘΥ (Μήτηρ Θεοῦ)
Cette abréviation signifie "Mère de Dieu" en grec. Elle est souvent placée de chaque côté de la tête de la Vierge Marie pour souligner son rôle en tant que mère de Jésus-Christ et son importance dans la tradition chrétienne.
Saint Jean-Baptiste (Ἰωάννης) ou Ο Πρόδρομος (ὁ Πρόδρομος)
Ce titre, qui signifie "le Précurseur" en grec, est souvent attribué à saint Jean-Baptiste pour souligner son rôle en tant que prophète annonçant la venue du Messie. L'inscription peut être placée à proximité de la tête ou du buste de saint Jean-Baptiste dans les représentations de déisis.
Pour aller plus loin
Salles des Objets d’arts, Musée du Louvre, Paris.
J’espère que cet article vous a plu. N’hésitez pas à partager vos sensations et réflexions, et m’indiquer les erreurs éventuelles.
Notes : les phrases en italiques sont de moi, les autres proviennent d’une curation de ChatGPT.